Accéder au contenu principal

L'Osti de jeu, la culture du viol, le marketing des fêtes et le privilège des hommes québécois


 

L'Osti de jeu encourageait la culture du viol, la répandait joyeusement sous un air de fête dans les partys de Noël québécois jusqu'à... prochainement, janvier 2016. Après que Jinny Mailhot, une femme de Sherbrooke ait envoyé une lettre à la compagnie pour dénoncer la culture du viol représentée par trois (3) des cartes du jeu, le fabricant accepte de les retirer.

Sur lesdites cartes, on peut lire (couvrez-vous les yeux : culture du viol) :
- Jamais trop jeune, juste trop étroite
- Une ruelle idéale pour un viol
- Un viol de groupe

Ce sont des cartes réponses, c'est supposé répondre de la façon la plus drôle à une carte noire. Un peu comme le jeu super drôle auquel on jouait (sans avoir à acheter quoi que ce soit) une fois les enfants couchés qui consistait à écrire des segments humoristiques (généralement salés) puis leur réponse en les lisant ensuite de façon désordonnée par le hasard. Les combinaisons étaient souvent hilarantes!

Humour québécois macho nouvelle génération

Évidemment, l'humour grossophobe et sexiste se trouve sur d'autres cartes, moins condamnables, tout près de l'humour pipi-caca de notre enfance qui nous fait encore rigoler. Le tout fait clairement hommes québécois "ironiquement macho", blaguant sur leur mère mais n'osant plus sur leur blonde parce que c'est "passé date" plutôt que proféministe, ça fait "mononcle" et ça paraît mal. C'est d'une autre génération d'humour macho. Pas étonnant, ce sont quatre hommes qui sont propriétaires! C'est leur privilège d'hommes québécois de ne pas voir de problème dans des segments pro-viols, pro-pédocriminels ou sexistes! J'aimerais être aussi imbécile heureuse! ... si c'était sans conséquence!

Ce ne sera pas pour ce Noël-ci, par contre. 

Ils n'ont pas pu stopper la production à temps. Bien qu'ils aient été interpellés, selon leurs dires, "il y a quelques mois"; bien que des féministes aient dénoncé les cartes très problématiques déjà l'an dernier, bien que la nouvelle production ait été lancée en novembre, bien que la teneur des cartes est si inacceptable qu'elle aurait valu d'ouvrir tous les jeux pour les détruire avant livraison, bien que, bien que... Ben non! C'est pas SI important. À la limite, selon des internautes sur leur page, retirer les cartes équivaut à censurer (toujours cet argument vide!). Mais pourquoi les producteurs du jeu ne les ont pas retirés?

« On est probablement parmi les meilleurs vendeurs cette année », se félicite Joël Gagnon, copropriétaire du Randolph Pub Ludique et directeur de projet pour L’osti d’jeu, à Montréal, dans un reportage de TVA.

Je ne vais pas les féliciter. 

On ne doit pas applaudir une compagnie qui fait marche arrière une fois leur produit critiqué pour des propos qui sont objectivement inacceptables, pédocriminels et sexistes.

Contrairement à certaines de mes amies féministes et aux près de 400 personnes qui ont "liké" la publication des propriétaires du jeu à ce sujet sur leur mur facebook, je ne vais pas les féliciter, franchement!

On ne va pas féliciter un fabricant qui fait un jeu de société destiné aux hommes (les agresseurs dans 99 % des cas), avec le langage des dominants, contre les victimes d'agressions sexuelles (des femmes et des filles dans 82 % des cas, un homme sur 6 et une femme sur 3 dans la population générale) alors que ce jeu sera joué dans les partys de famille, un contexte propice aux agressions sexuelles (85 % des agressions sexuelles sont commises par une personne connue de la victime).

On ne va pas les applaudir alors que l'un des segments est pro-pédocriminels (le mot pédocriminel remplace le mot pédophile qui, par son étymologie -phile = aime/ami, était une banalisation des agressions sexuelles commises sur des enfants), quand on sait que les 2/3 des agressions sexuelles sont commises sur des moins de 18 ans! (sources ici)

Soyons honnêtes, comme on dit! Soyons honnêtes! C'est dégueulasse!

Joël Gagnon (interpellation directe du directeur du jeu), je ne peux pas croire qu'il y a des fabricants de jeux de société qui ont trouvé drôle d'écrire "Jamais trop jeune, juste trop étroite" sur une carte de jeu. L'enfant violé à qui on a déchiré ses parties sexuelles va-t-il la rire? Celle qui a été blessée, irritée, meurtrie, même consentante? Qui la trouve drôle pour de vrai? Votre équipe? Sans joke?!

Pourquoi enseigne-t-on, implicitement, aux hommes que de blesser-avec-un-pénis est drôle? que de faire saigner une fille lors d'une "première" pénétration est normal? Ou bien c'est ce que votre équipe croit?

À quel degré d'objectivation des filles et des femmes est-on rendu quand on peut croire/affirmer qu'être "juste trop étroite" cause un problème à l'homme en premier lieu?

Et le segment "jamais trop jeune", je n'en parle même pas... il me donne le goût de vomir.
‪#‎voleurdenfance‬ ‪#‎pédocriminel‬ ‪#‎sociétépédo‬


Sans compter de l'effet de banalisation qu'ont les "jokes de viol". Les jeunes (ben oui, c'est interdit aux enfants, mais les grands-jeunes seront présents!) voient les mononcles rire du segment pro-viol et pro-pédocriminel, les matantes sont mal à l'aise mais se taisent parce qu'elles ont elles-même été socialisées dans cette culture du viol et les victimes sentent leurs tripes se tordre de douleur à cette nouvelle agression. Les garçons intériorisent que c'est drôle, que le viol est si irréel, que ce n'est pas menaçant pour eux; les filles intériorisent la menace sous-jacente qui leur est faite. Et hop! On socialise à la culture du viol!

Bref, je ne vais ni les applaudir, encore moins acheter leur jeu modifié, ni même mettre un lien vers leur page ou leur site sur mon blogue. Depuis quand être "moins dégueulasse" est-il digne de félicitations? Depuis quand on tape sur l'épaule de celui qui a fait mal à l'autre et qui ensuite "retire son geste" en s'excusant? Depuis quand on leur fait de la pub?

Parce que, après tout, c'est québécois? Ça sent la chemise carreautée et la ceinture fléchée?
Pis celles qui font les tartes, servent le buffet, débarbouillent et couchent les enfants, elles ont-tu le droit d'appartenir à la culture québécoise aussi même si on n'a aucun symbole pour elles, aucune référence culturelle non-sexiste?

La personne qu'il faut féliciter, c'est Jinny Mailhot et son initiative de dénonciation de la culture du viol. C'est elle qu'il faut féliciter :
FÉLICITATIONS!




Commentaires